Communiqué de presse

Immiscibilité dans les magmas et gisements de fer

Une publication dans Nature Communications


Dans Recherche Communiqués de Presse

Une équipe de chercheurs, dont des scientfiques du Laboratoire de Pétrologie, Géochimie et Pétrophysique – Unité de recherche GEOLOGY (Faculté des Sciences), vient de mettre le doigt sur un procédé de production d’un liquide enrichi en fer à l’origine de gisements importants. La clé se trouve dans l’immiscibilité des magmas dans les gisements de type « Kiruna ». Cette découverte vient de faire l’objet d’une publication dans Nature Communications (1).

L

e fer est le métal le plus exploité sur Terre. Bien que les techniques de recyclage des métaux évoluent de façon constante, l’exploitation des ressources naturelles reste cependant indispensable au développement de la société. Des processus spécifiques dans les magmas, les fluides et les sédiments  sont nécessaires pour mener à un enrichissement local en fer, et donc pour former un gisement exploitable. Mais avant d’exploiter un gisement, il faut pouvoir le localiser. Et c’est là que la compréhension des processus métallogéniques, l’étude des gisements et de leur genèse, prend toute son importance.

« Nous nous sommes intéressés aux gisements de type « kiruna »  - ou « iron oxide-apatite ore » en référence à leurs minéraux principaux - explique Bernard Charlier, Chercheur Qualifié au F.R.S.-FNRS au sein du Laboratoire de Pétrologie, Géochimie et Pétrophysique (Unité de recherche GEOLOGY). Ce type de gisements au sein duquel pourrait se produire l’immiscibilité, un processus tout à fait particulier dans des magmas, représente une part importante des ressources mondiales en fer. » Ce processus d’immiscibilité,  Bernard Charlier et ses collègues s’y intéressent depuis quelques années.  « Un peu comme l’eau et l’huile qui ne se mélangent pas, certains magmas se séparent en deux compositions distinctes durant leur phase de refroidissement. Les deux magmas ainsi produits peuvent avoir des compositions très différentes et l’un des deux peut présenter une composition plus enrichie en fer. » C’est la découverte et l’étude de l’importance de ce processus d’immiscilibité dans les magmas par des chercheurs de l’Université de Liège et de la KU Leuven notament qui a fait l’objet d’un article scientifique dans la revue internationale Nature Communications(1).

« L’étude des roches naturelles n’avait jusqu’à ce jour pas permis de distinguer clairement les processus impliqués dans l’enrichissement en fer, reprend Tong Hou, premier auteur de la publication et post-doctorant Marie-Curie . Nous avons étudié le problème en laboratoire par une approche originale : la pétrologie expérimentale. Cette approche permet en effet de reconstituer dans des fours et des presses les conditions de haute température et pression qui règnent dans les chambres magmatiques présentes dans la croûte terrestre. Cette méthode permet de comprendre les mécanismes actifs dans l’évolution des magmas lors de leur refroidissement.

L’approche expérimentale et l’application au systèmes naturels

Les nouvelles expériences réalisées à des températures d’environ 1.000°C et des pressions de 1 kbar (soit 1.000 fois la pression atmosphérique) permettent d’identifier les conditions nécessaires pour séparer les deux magmas, dont l’un pourra être à l’origine d’un gisement de fer (Fig.1). Les résultats montrent l’importance de la quantité d’eau dissoute et du degré d’oxydation du magma pour la création des gisements. Ces nouvelles données montrent sans équivoque que dans la nature de nombreux magmas sont capables d’atteindre des conditions appropriées pour mener à l’immiscibilité de deux liquides et donc à la source de minerais.

NEWS-Immiscibility-magmas-MA-Garlick

Fig1 : Image au microscope électronique d’une expérience réalisée à 1020°C et 1 kbar mettant en évidence la séparation d’un liquide magmatique enrichi en silice et d’un liquide enrichi en fer. Des cristaux de magnétite et d’apatite sont présents dans le magma riche en fer.
Figure 2 : Illustration schématique du processus d’immiscibilité dans les magmas menant à la formation d’un gisement de fer. En noir, un liquide très enrichi en fer se sépare d’un magma enrichi en silice (en jaune). Ce processus peut être favorisé par le dégazage de la chambre magmatique (fumerolles volcaniques en surface) et par l’interaction avec des couches de roches sédimentaires (évaporites, niveau clair sur l’image). ©Mark Garlick.

Des gisements de type Kiruna existent dans le monde entier : Suède, Chili, Chine, Iran, Etats-Unis, …
Ces roches anciennes ont été formées dans des environnements volcaniques actifs (Fig 2). En effet, les chambres magmatiques situées à l’intérieur de la croûte terrestre sont souvent connectées en surface à des systèmes volcaniques. « L’étude que nous avons menée montre aussi l’importance de divers processus naturels tels que la décompression et le dégazage, ainsi que l’interaction des magmas avec les roches encaissantes (des évaporites par exemple), commente Bernard Charlier. L’étude ouvre donc de nouvelles perspectives pour comprendre les roches naturelles et les différents gisements qui ont leurs propres caractéristiques.

L’Europe est devenue largement dépendante des autres continents dans son approvisionnement en ressources minérales. Une liste d’éléments critiques a d’ailleurs été établie. Elle inclut certains éléments présents dans les gisements de fer de type Kiruna : les terres rares, le phosphore et le fluor. Le processus d’immiscibilité est intimement lié à l’enrichissement en ces éléments. Comprendre les processus à l’origine des gisements permet de développer des clés utiles à l’exploration et à la découverte de nouvelles ressources.   

Référence scientifique

(1) Hou T, Charlier B, Holtz F, Veksler IV, Thomas R, Zhang Z, Namur O (2018) Immiscible hydrous Fe-Ca-P melt and the origin of iron oxide-apatite ore deposits. Nature Communications.

Contact

Unité de recherche GEOLOGY I Laboratoire de Pétrologie, Géochimie et Pétrophysique
Bernard CHARLIER

Partager cette news